planches phrénologiques, spray antibactériens (je vous préviens, les exercices de logique sont d’une facilité déconcertante, ils sont proposés à des personnes plus âgées)
église visage velours marguerite jaune
(dans vingt minutes je vous demanderai de me les répéter dans l’ordre)
hier, trois ambulances dans le quartier, qui se suivent, les stores à demi-fermés zèbrent les stroboscopies, hachurent l’alarme. le souvenir vif de cet enchaînement d’insolations à Florence, puis à Pise, toujours sur le parvis des églises, des tables de kermesses et des mères, des pères qui font des malaises, sont déplacés avec beaucoup de calme, dans une chaleur de ouate, déplacés sur des brancards, à bout de bras, parfois même les longs bancs soulevés par des adolescents, avec des enfants au centre qui maintiennent la personne couchée, eux projetés dans des drames, eux qui gagnent trois ans, quatre, d’un coup, et quelques rues plus loin un cortège béant, des klaxons comiques. Pise, nous nous étions tordus les chevilles sur le parvis d’un hôtel de ville, Florence au pied de la Gallerie degli Uffizi. projetés en avant, un, deux mètres d’un coup, sous la hâte et le drame d’enfant, un orteil noir et un ongle abimé, du sang séché sur des sandales neuves. des sandales de baptême, avec des brides nacrées. le père qui sort la grosse boîte de pansement, qui sent la maladie. il coupe grossièrement un carré, deux carrés, et la journée se fait, avec le soulier qui frotte contre l’ongle et la blessure (premier sentiment fort de plaisir dans la douleur quand, devant un Botticelli, le sparadrap cède et la plaie est à vif).
église, visage, velours, marguerite, jaune
(l’exercice est réussi, maintenant quelques exercices de logique)
prendre le premier train pour Milan, le masque hygiénique de la neurologue dans la poche. le souvenir douloureux, sans plaisir de devoir reproduire, enfant, La truite de Schubert au xylophone. nous chantions faux, jouions faux (les exercices rythmiques ne sont pas réussis, élèves dispersés) – la truite s’enfuit du pêcheur, elle est gaie et luit au soleil, elle reste vive. à Milan, marcher le longs des canaux autrefois marchands, maintenant gris, qui recrachent des emballages de mouchoir et des paquets de cigarette vides. au petit matin, choisir les cornetti les plus grands, gigantesques, remplis de chocolat. s’essuyer la bouche avec le masque hygiénique. souvenir d’écœurement quand le chocolat déborde, épais, qu’il contourne la bouche. le sentiment de remplir, puis la culpabilité de remplir et de déborder. essuyer les preuves, jeter le masque hygiénique dans un cendrier de rue.
sentiment de plaisir récent, le velours élimé du pantalon, aux bons endroits, quand deux pantalons se font face et s’étreignent au soleil, la dominance de l’un sur l’autre (la taille des côtes), les creux qui se comblent, le frottement vif et la plaie de ce qui ne remplit pas l’intérieur, à ce moment-là. prise de conscience de tous les drames et de l’enfance au froissement du pistil : à Florence, dix ans plus tard, nous vivions une rupture, dans le coton de l’été, à chercher des idoles dans tous les coins de rue, des statuettes de vierges hilares, les brancards qui plient sous l’eau, le canal peut-être encore marchand, en tout cas le marché au relent d’oranges gâtées, les pêcheurs qui fument sur le quai. (tiens ma cigarette, je reviens) l’enfant tient la cigarette par le filtre jauni, il semble navré. il regarde autour de lui qu’on ne le surprenne pas, le parent est parti acheter du hareng ailleurs.
jaune comme beaucoup de matins, écœurés, à chercher des auberges rassurantes en Lombardie, en Toscane, des jours où l’italien n’est qu’un motif architectural ou encore une pièce manquante de musée, le piédestal d’idoles et le rire lointain d’un enfant dans un carnaval sans drame. l’ongle noir dans la petite sandale de fête, le sentiment érotique face à des coquillages ouverts, la naissance du printemps (et la possibilité d’apercevoir des truites, gaies, luisantes), la recherche du double, du pantalon de velours manquant, sur le parvis d’une église d’un musée d’un cabinet de neurologie, la trace de chocolat mal nettoyée, étirée, sur une joue rose, fatiguée par la marche, par les souliers neufs qui frottent, par les ruptures, l’insolation à chaque coin de rue, qui guette, qui étreint, qui rassure l’enfant qui doit tenir la clope (trop longtemps). (peut-être un dernier exercice : quel est l’intru parmi soleil chaleur jaune douleur ?), la jouissance retenue, ouateuse, dans l’acceptation de la perte de l’autre, un tableau vide dans les Gallerie degli Uffizi. pire que ça, un cadre sans toile, et dehors le rire ardent des idoles qui chatouille le ventre et rappelle l’alarme, zébrée, d’une ambulance dans la nuit, son cri étouffé et les drames qui passent, défilent, étreignent, trop longtemps.