de sexe et de gypse

ça partait toujours comme ça
et à vrai dire, ça partait bien:
elle commençait une phrase, les yeux écarquillés, toutes les grâces alignées, puis à l’intérieur il y a l’écho de la phrase, on s’entend parler, et tout se presse, une montagne de chenilles noires qui devaient être un alphabet, décomposition totale, les mots viennent mais mous, rallongés, monosyllabes sinon, dans le mauvais ordre. en attendant le point final ou la fin de ce qui devait être une phrase, on a eu tout le temps de la prendre pour une idiote. elle était néanmoins jolie, avec ce trouble, avec ce tremblement dans les silences, oui, elle n’était pas si laide. ou alors, il fallait lui trouver des coquetteries le temps qu’elle trouve quoi dire, comment finir sa phrase, parce que vraiment, ça partait bien.

d’abord la découverte de la peau, le visage qui se rapproche et qui apparaît vers l’aine ou le ventre, rase le drap du menton, embrasse un os qui ressort, un creux, la langue humide qui se plaque au-dessus du nombril, prendre la température par là, sentir se déployer en soi et sous soi du froid et des sueurs, inégales, justement glacées et d’autres brûlures, par le doigt, par la moitié d’une pénétration, on ne sait plus où, l’urgence de découvrir le corps en un bloc en une fois, sursaut maniaque, fièvre totale, on veut dérober à l’autre ce qu’il oublie déjà au premier soupir, le premier soupir concède l’autre, il prend sa dissolution pour acquise. quant à toi, tu repenses à la leçon de céramique : le plâtre absorbera l’eau, la porcelaine va former une peau. sortir un tube d’un tube, parce que celui formé par le kaolin et l’eau va rétrécir à l’intérieur du premier, etc.
l’enseignant a souri, d’un sourire violent, il est venu vers toi pendant que tu modelais l’argile, il a dit que ton vase ressemblait à une créature des mers. tu aurais voulu lui dire à quel point il avait sauvé quelque chose en toi à ce moment précis.

pour la sculpture, l’idée du non finito comme discours et défense. se défaire du socle ou en faire l’image finale, donner à voir le déséquilibre, ou un tango. brouiller les yeux comme ceux du matin. chaque matin pendant six mois, le café brûlé. lister mentalement tout ce qui ne se termine pas, et se souvenir qu’une liste ne se finit jamais.

devant le miroir, la silhouette zébrée du jaune du corridor et du noir du reste de la maison. pas terminée, pas disposée. dehors les gens hurlent il fait beau et toujours le noir dans la maison et le jaune, deux espaces temps bien rangés dans les tiroirs d’une cuisine. le plaisir de retrouver la solitude pour enfin ne plus s’entendre penser dans le vacarme de l’autre, organiser les chenilles, tirer sur la tête ou, tirer sur les, non, étirer, laisser les pattes s’activer et sautiller, penser les plus belles poésies dans sa nuit et redouter les oeufs brûlés et les yeux cernés ou soclés le lendemain.

en normandie, en cavale, elle a encore volé. cette fois, un short de bain jaune fluo, elle l’a foutu dans sa poche, a filé vers la petite grotte de la plage pour l’offrir à celui qui l’écoutait parler.
les cheveux mouillés, par excès de soleil, elle essayait moins de parler. elle mettait la faute sur la chaleur, qui, elle l’articulait bien fort et lentement – l’abrutissait. mais dedans, dans le corps qui ne se baigne pas, encore réfléchir à l’ordre des mots.

dans la bouche un buste de sons égratigné par plaisir et par peur pour en dégobiller que des bouts, des angles, parfois un coin d’ombre et l’oubli de l’écho et trois phrases parfaites, mais on ne l’écoute déjà plus.
par contre, les cheveux mouillés lui vont bien.

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