une colonie de fenêtres comme autant d’yeux sur tes bras trop maigres,
et sur une autre façade un timide orifice, ouvert de deux volets, la jeunesse.
la fenêtre comme un bocal de confiture: en kaléidoscope grossier une figure orange qui croque dans un fruit. la silhouette se froisse et s’anime, on imagine une dispute dans la salle à manger. une autre maison a l’un de ses côtés totalement plâtré, sans ouverture vers l’extérieur, une coagulation de pages blanches. du papier mâché et recraché en bouillie terne, étalée sur les paupières, tu te rendors dans un confort de nuages, c’est cela, donc, un mur non percé, pas de stores, bref, une caverne sous un toit de brique, une autre surface dans les rêves et un terrain de jeu sous oeillères.
on a commencé la lettre. une fois, deux fois. on te revoit sourire sous un voile, le visage bien scindé en deux: un regard curieux qui avale et une bouche qui met une barrière mais qui embrasse, parfois. comment relier les deux parties? on a essayé en caressant la joue, en embrassant les jointures (tête-épaules), on a voulu suggérer la connexion. peut-être que quelque chose ne se fait pas – peut-être qu’on est pas suffisant pour convoquer et le sourire et la curiosité et l’inclination au baiser réel.
il y a trois ans, on a décidé de regarder ce film (ennuyant à mourir), les fraises sauvages. un médecin qui s’apprête à recevoir un prix, et qui sur le chemin de la distinction se remémore sa vie. très lent, très vaporeux, mais d’une vapeur écoeurante. rien à voir avec une cueillette, une sieste dans les herbes. on l’a regardé, et on revoit un peu de cette langueur en toi. une jeune femme qui se regarde dans un miroir, dans le mirage d’un jardin, qui ne se voit plus en nymphe mais en statue et en souvenirs. on recommence la lettre, quatre fois. on s’adresse à qui, justement? le prénom se détache, intelligible. la seule chose que l’on articule en perles. on ne sait même pas si on adresse un adieu ou une ode, quelle adoration pour quelle distance? la maison d’en face a des volets en bois dans lesquels sont découpés, grossièrement, des coeurs. rappel évident de la maison dans le conte d’Hansel & Gretel. la sauvagerie derrière l’appât. chaque maison est une bête qui dort. elle fonctionne avec toute sa digestion et ses phases de sommeil. est-ce que la tendresse c’est calquer son corps sur les insomnies de l’autre? on écrit faire l’amour, on raye la phrase, on écrit ‘j’espère que tout va bien’, on froisse la papier, on écrit le destinataire, collier de perles, on écrit un mot plein d’entrain, tout ponctué, mais l’enthousiasme trahit l’une des insomnies, on déchire, on écrit ‘pourquoi ton visage est séparé en deux comme des volets’ on rigole, on trace, on écrit ‘bonjour, baisse les stores’, on pleure, on s’agite, on n’écrit plus. plus de silhouette dans la loupe du haut, plus de cris étouffés dans le bocal. quand on était enfant: la peur des fenêtres des sous-marin… le mal de mer à la vision de la vitre ronde. ici, deux grandes baies vitrées, comme offertes, la panse ouverte, dégagée, qui moisit ou fleurit dans le champ, offrande superbe de vie au petit jardin dehors qui voit toujours les mêmes mouvements dans les branches. ici, un oeil sur les itinéraires du dedans, la congestion des humains, feutrés comme ils sont, de grands tapis, la débandade du chaud et des tissus, bref, deux grandes baies vitrées sur un balcon de sourires – on écrit ‘adieu’ puis ‘j’aimerais te revoir’.