d’ailleurs l’ailleurs n’est peut-être pas meilleur

le CD d’elli medeiros saute, je n’ai plus que deux allumettes pour terminer l’herbe, dix-neuf heures et l’impression que le mois ne s’appartient plus. le soleil de dehors tient à deux chevilles. le mot que je cherchais hier c’était synesthésie. je veux tout de toi (pause) les caresses et les claques (les) je, je. on change de piste, je viens de foutre cinquante balles sur mon tapis. tout est une question de prénom, je traque le même depuis six ans, j’ai déjà vingt-cinq ans, j’ai un souvenir de Tenerife qui me revient, et puis non. petite, sur la plage de torre dell’orso je tombais toujours amoureuse des enfants qui jouaient seuls. le balcon a un abat-jour, on se croirait en voyage, il y a deux jours le râle immense de l’écriture en ‘je’, s’incarner c’est petit-bourgeois, je dissocie et déjà mes mains sont dans une autre pièce, à peindre une toile au sol, découpée en losange (comme si ça avait un sens). je devais écrire sur une ronde de nymphes mais j’ai déjà perdu le bassin. tu avais pris la voiture pour descendre vers Nice, parce que tu adores cette ville. jamais compris pourquoi – tu t’installais n’importe où comme un prince et l’on t’apportait, en terrasse, des barques de fruits de mer. Un petit navire en plastique avec des crevettes dessus et des mollusques inventés pour l’occasion. on avait eu un début d’insolation ce jour-là, on ne se parlait déjà plus. dans la voiture tu t’es mis à fumer, on a beaucoup ri, deux heures auparavant je cassais mon Minolta dans un parc. je l’ai lâché en voulant te prendre en photo. tu as dit qu’il était temps de passer au numérique, de toute façon. j’ai à nouveau cessé de te parler. le lendemain, je suis partie au musée, j’ai écrasé sans le faire exprès une installation de câbles. l’ascenseur de l’hôtel était en panne, tu as dû descendre les deux valises seul, je t’ai entendu de loin, grosse colère asthmatique, tu traînes tes jambes comme des, my heart belongs to, j’avais oublié le disque – ce qui me fascine chez toi : tu connais toutes les paroles de ce chanteur inconnu, toutes. mais tu ne te souviens pas des rires dans la voiture, enfumés comme des idiots, à filer dans les bois et ratisser les campings, se moquer des gens rouges, brûlés, heureux, loisirs gluants, à essayer nous de ne pas réfléchir, se buter aux verres, aux filtres, tu déverses sur moi l’or de ta rivière, cogne-moi les mots que tu me dis, me cognent bas, tout l’monde aux abris! je pourrais te les chanter, et toi, et moi en chorale informe, mais t’es dans une autre pièce aussi, déclassé, peut-être même plus haut encore, je ne sais plus par quel mot t’attraper, on a la chance de ne pas être dans la tiédeur, d’être soit face à face ou soit oubliés, soit combattants, soit atterrés, à rire. c’est quoi passer au numérique ? toujours détesté tes envies d’autres choses, tout de suite, tu tournes la tête et on est déjà 23km plus loin, station d’essence, à voler des mouchoirs dans le distributeur pour plus tard, c’est quoi plus tard, les larmes ou les miettes ou encore essuyer ses lunettes? mystère et déjà plus d’allumettes.

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