white cube avec des murs défoncés

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un canapé avec un dossier métallique, une femme raide avec des cheveux emmêlés et l’autre recroquevillée, à toiser le crépi dégueulasse d’un cube blanc
elles pourraient encore avoir des morceaux d’adhésifs sur les ongles, elles pourraient
elles ont dit qu’il fallait un endroit sécurisé pour pouvoir faire du bruit, elles ont dit ça un soir dans du bruit justement, avec du vin peu complaisant, comme les premiers barreaux, raides dans la musique, elles sont sorties avec urgence pour ne plus rien dire, et dans un même tressaillement, des tissus qui sentent le tabac et les gens, de loin, elles ont pensé au salon, le salon avec la grande vitre qui donne sur le parc aux biches, pour pouvoir digérer en paix et faire des mots du mastique et de la toile
plus jeunes, incapables de commencer des discussions autrement que par : et ton père, toi ça va ? et les mêmes haussements d’épaule, et fumer des fleurs et tout autres tambouilles dans une cour, rêver à des prénoms et des matières plutôt qu’à des corps concrets, c’était déjà ça. peut-être six ans se sont faits, hein, regard tendre puis rouge puis vide, écran, à calculer dans la tête les superficies pour travailler le ventre, y suspendre des trêves, se demander ce qui laissera le moins de trace sur le mur, les petites aiguilles sur un drap, les punaises, le double-face, clous, des traces de rouge à lèvre. c’est drôle comme la pièce annule tout, j’ai pensé, comme si les guerres intimes étaient apaisées pour retenir les fluides, les mains qui se lèvent vers leurs soleils, retenir et déverser dans des visages encore sans yeux, le feu dans la gorge de ce qui sortira, ce qui se fait encore cajoler à l’intérieur, mais ce qui sortira comme une farce, puis comme une offense, puis comme un impact. l’après-midi et le monde n’en sait encore rien, on dort ou on traine sa carcasse-caisse biologique sur les routes, on incline la tête en souriant au lieu d’articuler dans les couloirs on fait les mêmes sourires complaisants ailleurs dans des espaces où le crépis est poncé et où on ne se pose même pas la question.
plus jeunes, à faire des tours en bus, remonter dans les petites campagnes depuis la ville, zigzag de nausées et de rires sur les sièges arrières, puis l’annonce d’un arrêt, vers un lavoir. c’était une messe chuchotée. on lavera le linge de ce qui se fait au grand jour dans une pièce de vrai, d’organes entoilés, on mettra des tabliers autour de la taille pour frotter le coton et balayer les couleurs dans la même eau, on s’y baignerait, d’ailleurs,
l’arrêt s’appelait reposoir, et à l’époque elles imaginaient les épaules de deux trois prénoms être les leurs, des socles de confort, des muses raides qui regardent à travers les flammes leurs reflets. maintenant qu’elles ont la force et tous les mouvements d’un monde dans les poignets, elles sont sorties du bar, dans l’urgence, et ont clamé le même souvenir, le lavoir, les mains rongées par l’eau le savon et les fibres, entortillées, étrangleuses, donc, elles sont sorties du bar et ont eu l’idée d’appeler ce ramassis de meubles et ce reste de crépis reposoir – il y aura de la peinture, de la gravure, du vin, et ce sera le 1er mai.

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