une petite salle noire d’où les gens apparaissent plus grand, boîte de conserve d’éclairages et de jeux et d’ombres, théâtre de pacotille, matière de papier et l’huile du travail, je regarde des matériaux lutter en projection, luminescence de recherches et de solitudes,
si nous comptons les ombres nous sommes quatre à présent, tout dépend de ce qui se compte, la légitimité d’être une ombre en même temps qu’une surface biologique, un espace qui travaille des matières pour les recracher des mains ou de la bouche dans d’autres espaces et appeler ça création, alors qu’il s’agit de sucs et de gestations, d’un écoulement naturel, physiologique, un fluide, je me retourne, nous sommes définitivement quatre, je veux parler de ce que je vois mais les mots me manquent, deux mains comme étau autour de la gorge. je pensais y trouver quelque chose de spécial, j’y trouve des paillettes de la suie et un succube, deux paralysies pour le prix d’une, sommeil et légitimité, pour l’émerveillement total. voilà, je voudrais dire l’émerveillement et la curiosité, qui ont jailli, dans cette pièce en découvrant les images catapultées d’on-ne-sait-où et qui sont le résultat d’autres images fabriquées par le corps et l’enfance et ce qui se digère ou s’oublie. ce qui s’oublie zèbre les meubles intérieurs. ce qui est absent a son propre socle. et voilà l’Apparition, comme je l’ai lu quelques heures auparavant, cette idée d’un bouleversement dans un soleil absurde, je l’ai lu dans ma baignoire, l’eau était déjà tiède, j’ai compris le rayon qui traverse la peau et juste entre les yeux, comme un troisième frisson, l’avènement de ce qui peut détruire. cheminée ou petit tracteur de chantier. peu importe – j’ai vu, dans les tourbillons de l’eau qui s’apprête à me lâcher, le départ du carrosse (lu auparavant). et dans cette salle il n y a pas de cocher, il y a juste une idée d’un prince. je l’ai lu avant de le vivre, c’est trop souvent le cas.
en psychothérapie on parlait de visualisations, c’est peut-être se qui a fait son chemin, dans ce bain. peu importe. nous sommes quatre et deux et demi ne répondent plus. nous sommes quatre, j’extirpe de plus loin que mes pieds les mots qui vont nous sortir de la petite salle, je n’arrive pas à dire l’émerveillement (qui pourrait ?), la seule manière de le dire ce serait peut-être utiliser des matériaux identiques, les faire disparaître dans la boîte noire (et non plus la salle, ni la pièce) recracher depuis l’enfance depuis les mains travailleuses un écho aux joyaux et aux drapés, dans mon langage. je sors de la salle, je retrouve une autre salle, bien plus lumineuse, et ma foi gigantesque, je retrouve le deuxième et perd de vue les deux autres et le demi (le demi, c’est moi, hébétée et muette), dans ma hâte (hypocrite) je mélange le mot peintre et prince qui sont, au final, créés de la même brillance fragile.
fracassée, je me demande à quel point on reste seul dans sa création et son espace, une galerie est toujours son intériorité évidée, crue, un petit animal sur le dos qui peine à rouler pour pouvoir jouer et vivre depuis le flanc, c’est la neige que l’on imagine dans les hauteurs à travers la pluie, c’est toucher naïvement un peu de ses os. comme, nu devant la glace, on attrape ses épaules pour simuler une étreinte, et que les os des épaules, l’acromion par exemple, ressort un peu et nous lance une décharge qui rappelle à son propre corps et à sa propre solitude, devant la glace, au sortir du bain, nu, la même solitude que celle du peintre ou de celui qui projette, à partir de suie et de paillettes, sur un rideau, une toile tendue, des images mouvantes qui sont des borborygmes de soi.
le peintre s’amuse des habits de lumière, un tablier est une couronne, tout le monde le sait, je regarde celui qui apparaît comme, qui peut disparaître comme une traînée de sable, jetée d’un cocher aveugle, ou au moins éreinté. l’étau comme une trace de doigts fusain ou polychlorure de vinyle, regagner l’espace qui permet au déploiement de soi sans l’autre, la chambre, le noir, un noir artificiel, celui de la lumière qui s’éteint, par l’interrupteur, la gorge délassée, le souvenir de ce qui peut contenir un monde, et qui, en plus, a le loisir de marcher, boire, créer.