tu arranges tes cheveux. c’est vain. tu arranges tes vêtements, tu as le souci du peu. c’est vain. tout ce qui compte, c’est le mouvement. dans l’espace-temps rupture, dans l’espace-temps amour, c’est le mouvement. se réveiller, c’est déjà bien. ensuite enchaîner les actions sans trop réfléchir jusqu’au moment où – dans ce même café visité cent fois, vous vous retrouverez debout, dans ce café beaucoup trop bruyant, ou tout le monde vous dévisage (ils savent), vous attendez une table pour que tout commence. vous préparez le terrain, vous parlez des derniers jours, ceux où la solitude commençait déjà. puis l’un de vous prendra la parole en premier, la vraie, celle qui réajuste les manches, qui plonge les regards contre le bas. ça commence souvent par »bon » ou »alors » comme si tout ce qu’il y avait eu avant n’existait pas. tout est déjà balayé. ici le temps justement est biaisé. tu te mets à vous trouver beaux, individuels. tu le regardes sans toi, tu te regardes dans la vitre comme si tu avais eu le choix d’être ici. mais tout est décidé depuis le premier baiser, vous saviez que – le jour de la rupture il faudrait se retrouver ici. tu te surprends, encore, à finir ses phrases. au final vous êtes au courant de ce qui ne fonctionnait pas, vous acquiescez de tout comme si l’entreprise était encore d’actualité. comme si vous étiez encore l’entité qui décide, qui emboîte le pas à la fatalité, aux calculs, à ce qui a déjà été vu fait écrit. c’est la première fois que tu fais ça : mettre des mots sur la rupture. ou la provoquer, en fin de compte. ou alors, si tu provoquais, c’était loin du visage de l’autre. il n y a rien de plus dramatique qu’un visage quitté. quelque chose s’éteint. tu pleurs, inévitablement. c’est ton rôle à chaque fois. d’ailleurs l’autre attend que cela se passe. c’est convenu. tu as des bouts de mouchoir dans les cheveux (tu te demandes si cela te rend belle ou ridicule). tu te sens sale de ce qui s’est fait et de ce qui ne se fera plus. tu te rends compte au fur et à mesure que tu parle. tu parles beaucoup. c’était sa personne qui comptait vraiment. et non vous. tu te félicites de lui souhaiter le meilleur. tu le veux amoureux d’autres. de n’importe qui. tu retournes dans ton intériorité : tu t’exprimes clairement. tu en es ravie. c’est que quelque chose se décante. la tête est plus légère, tu peux imaginer une salle où les fenêtres sont ouvertes. à défaut des bornes. malaise aérien. au bout d’un moment, les choses se sont dites. plus vraiment envie du thé que l’on boit. plus vraiment de besoins primaires. plus. la salle vide est immeuble, d’ailleurs le corps est engourdi. plein de nouvelles pensées à venir, de nouveaux rythmes. on regarde si l’autre boit encore. il ne boit plus non plus. qu’est-ce qui compte maintenant ? tout va se redessiner sur le chemin du retour. le fait que ce soit dimanche nous est égal. on se regarde avec l’envie de s’étrangler ou de se comprendre. incapables des deux. on a tout le temps l’air suspect, en couple. et séparés on cherche à suspecter. on plisse les yeux. on s’éblouit du silence, on se rencontre vraiment. une première fois. individuels. on pourrait être beaux. mais il y a eu trop de choses et de mouvements pour ne pas salir les images et ne plus y voir si le sujet est beau. ou trouble. ou s’il est. il reste le papier, il reste des idées de couleurs, des dates d’impressions. à défaut d’expressions. deux faces toutes blanches qui se toisent, un peu idiotes. étrangers et encore liés parce que là à parler de ce qu’il y a eu et de ce qu’il n y aura plus. à avoir essayé. j’ai l’impression d’avoir perdu mon temps. je comprends. il dit sa colère. tu penses au terme en couple et à celui de séparés. séparés est au pluriel et en couple sonne comme en Italie. mouvement perpétuel, on va, singulier. au final : monstre ou bête mythologique qui ne s’arrête jamais, deux têtes et deux jambes.
autour de nous ils savent. ils se demandent qui se lèvera en premier. leur espace et leur temps s’inscrivent sans nous. et pourtant, et toi, et moi, aimerions les rejoindre. je ne dis plus nous. tablées-mirages. (que l’on te regarde avec trop d’insistance finit de t’anesthésier). pour peu, tu pourrais voir ton corps faire sa propre vie, par la fenêtre. il aurait un très joli imperméable. tu ne te surprends plus, mais tu rêves. (il n’aurait pas la texture d’un ciré – il aurait la possibilité d’être délavé par chaque pluie). la peau, dessous, indemne. vous vous levez en même temps, prêts à affronter les chemins nus et ces endroits trop connus à réinvestir. je ne sais plus si je dois écrire en je, en tu, en d’autres. les choses se font. de nouveau une quantité d’actions jusqu’aux espaces respectifs. jusqu’aux appartements. alimenter la fin de journée jusqu’au sommeil – jusqu’au jour vierge. se murer dans son silence, se trouver beau, seul, en pleurs, par défaut. retirer les bouts de mouchoirs des cheveux, des vêtements. agrandir le répertoire des cafés ‘discours’. les graves, les joyeux. recommencer. mais surtout se sourire seul. et le reste se colore. et à nouveau je, tu, d’autres.