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Ainsi il faut vivre

Petite, je réfléchissais en choses. Je ne voulais pas devenir un individu en particulier, je voulais faire des choses. Je voulais apprendre à parler plusieurs langues, je voyais les autres comme des formes en mouvement, le mouvement ne les colorant pas forcément, l’acte comme moteur, l’enfant-contenant, l’adulte-grand contenant.

Plus tard il a fallu nommer les choses. Se faire nommer d’après les choses. Devenir l’acte-fuel, dans un groupe où tout le monde est l’objet qui doit être toi, ne pas avoir le choix d’être une partie de l’objet, même pas la plus rigolote, un bout d’arrosoir, le ressort d’un guidon, tu es le tout, comme tu seras remplacé par le prochain tout, comme l’autre tout peut s’appeler Paul, comme il pourrait être italien indigo susceptible gros paralysé merveilleux, tout comme il pourrait être à demi-mort mais quand même, quand même un tout comme toi, tout comme avant toi il y avait un vélo qui se rêvait sonnette, une bibliothèque qui se voulait pléiade de Mauriac. J’ai officiellement été livre, oui, comme j’ai été stylo ou crayon selon la lune. Je n’ai jamais rien su faire-être d’autre que chose en rapport avec l’écriture, son objet.

Samedi soir j’ai pu observé les soleils sur les caveaux. La rentrée nocturne par les vignes, nos reflets, car je n’étais pas seule, grossis sur les façades des immeubles, reflets de mouvements – encore – sans corps, des formes qui ondulent, noires, entourées du jaune inviolable des lampadaires, tellement nous sans être définis, tellement formés dans l’informe, tellement purs et pourtant fragments. Pourtant. Ensuite, ces mêmes formes se déhanchant sur de la techno, des structures biologiques bien ou malfaisantes (selon l’humeur) qui contiennent les rythmes, les recrachent, qui sont rythmes, qui ne sont pas labeur aubergistes secrétaires. Un bassin qui remue, ou un rectangle secoué ?

Quoi qu’il en soit, des énormes moutons de poussière pendent au plafond de ce qui pourrait être un petit garage. La crasse se balance, comme un être humain en ombre chinoise. Vaporeuse, capable. Je l’estime. Je suis cela aussi, l’imagination en plus. Bonheur ? Soulagement ? Persécution ? Le fait de contorsionner mentalement. Le fait de faire des formes à l’infini, de les détruire, de remplacer choses ou trucs, de retenir le prénom de machin, tout ça.

Marche ou coule – piétine sans nageoires – clapote au sous-sol – continue de bouger, ça compte, tu peux être une flexion si tu le souhaites.

En passant devant la petite vitrine, deux jours après les apparitions dans ce qui pourrait être un petit garage, j’y ai aperçu un cochon en bois. En ce moment, je ne suis rien. J’ai perdu la particule -bibliothèque. Je suis ce passage en ville, l’ovale et les rectangles imprimés sur la glace, je fais sans être (ce qui n’est pas défaire, ni dés-être). Je fais bien.

être c’est toupie plutôt que bilboquet

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